N&M : Qu'est-ce qui vous a le plus convaincu dans la conversion au biologique ? Le fait que la vallée était contaminée par de plus en plus de produits chimiques ou le fait que la vente des agrumes biologiques était financièrement plus attrayante ?
Johannes : Mes beaux-parents ont emménage ici dans les années 1990. À cette époque, on pouvait voir le produit vaporisé sur les agrumes planer sur la vallée comme une brume. Certains médecins locaux reprochent aux produits chimiques d'aggraver les problèmes d'allergie, le taux de bronchite aiguë et les ont même considérés comme dangereux pour les femmes enceintes. Nous mettions en danger la magnifique vallée qui nous nourrit ! Nous avons décidé que quelqu'un devait faire quelque chose pour initier un changement, et nous avons donc converti notre production au biologique en 2000. Nous ne pouvons pas nier que nous étions également motivés par les prix plus élevés des cultures biologiques, mais d'un autre côté, adopter des pratiques biologiques nécessite de prendre des risques.
N&M : On dirait que les aspects écologiques et économiques sont intimement liés ?
Johannes : Bien sûr, si la culture biologique ne nous rapportait pas plus que la culture traditionnelle, nous n'aurions jamais pu nous permettre de passer au biologique. - Et si nous n'étions pas passés au biologique, nous ne pourrions justifier des prix plus élevés. La culture biologique demande des efforts plus importants. Par exemple, nous maintenons des cultures de protection dans nos vergers toute l'année, ce qui signifie que nous devons ajuster notre système d'irrigation, car elles doivent être également arrosées et gérées. Si la couverture au sol offre un habitat pour certains insectes dont l'action est bénéfique, elle abrite également des nuisibles comme les escargots, ce qui impose un certain contrôle. - Et ainsi de suite.
N&M : D'autres agriculteurs biologiques font appel à des canards et des oies pour le contrôle des limaces et des escargots – cela semble être une solution assez simple. Johannes : Eh bien, vous devez comprendre que chaque situation est différente. Les canards et les oies peuvent être une bonne solution dans les petites fermes en Europe, mais les nôtres sont plus importantes et ce n'est pas simple de les garder en troupeaux. Nous avons essayé les oies comme vous le suggérez, mais, malheureusement, les chats sauvages les ont toutes dévorées. Un de nos cultivateurs a remarqué que la pintade échappe plus facilement à ces prédateurs. Elles ont également tendance à rester en place quand on les nourrit régulièrement. C'est pourquoi nous les testons en ce moment, afin de mesurer leur efficacité.
N&M : Cela semble très intéressant, mais d'après les normes Eurepgap les animaux ne sont pas autorisés dans les vergers, afin d'éviter les contaminations à la salmonelle ?
Johannes : Nous respectons les normes Eurepgap et retirons la pintade du verger 6 semaines avant la récolte, afin d'éviter les problèmes. - D'un autre côté, la pintade serait de toute façon présente dans nos vergers. Elle s'y trouve à l'état naturel, comme les merles et les pigeons en Europe. Je comprends que les consommateurs exigent un produit sûr, mais il est également important pour eux de comprendre que la production de cultures se déroule dans un environnement qui comporte différentes formes de vie végétale et animale. Lorsqu'un équilibre est respecté – comme les agriculteurs biologiques cherchent à le faire – il y a peu de raisons de s'inquiéter.
N&M : Il paraît que vous allez avoir largement recours au compost dans vos vergers.
Johannes : Oui, par le passé, nous avons acheté du compost fabriqué spécialement pour le tester. Comme les résultats dans les vergers ont été convaincants, nous avons dirigé plusieurs ateliers pour apprendre à faire du compost par nos propres moyens. Nous avons fait venir des spécialistes d'Afrique du Sud et d'Europe et nous avons récemment commandé l'équipement nécessaire. Nous envisageons également de travailler avec la municipalité locale pour recueillir les déchets verts. Ainsi, ils n'ont pas à traiter des quantités excessives de déchets et nous obtenons des ingrédients essentiels à la fabrication du compost.
N&M : Est-il vrai qu'il est possible d'éviter la salmonelle dans le compost en employant une méthode de compostage sûre et efficace.
Johannes : Oui, bien sûr. Nous utilisons une méthode très stricte appelée compostage en andain aérobie. Cette méthode offre un équilibre optimal entre la décomposition de la matière organique et la recomposition de l'humus. Les bactéries et les champignons produisent assez de chaleur pour décomposer les végétaux et tuer les organismes et les herbes à l'origine de maladies. Cela signifie que le tas de compost doit atteindre au moins 55 °C, mais ne doit jamais dépasser 65 °C. Par conséquent, les andains doivent être retournés au bon moment afin d'éviter la surchauffe, pour que les organismes de recomposition puissent lier les particules du sol, la matière organique, les acides aminés etc. afin de créer la structure granuleuse que nous appelons humus.